Ce capitalisme se nourrit de la crise - même en Irak




 

     La « dette publique » augmente et les États s'endettent, mais auprès de qui ? Il faut bien que certains aient de l'argent.

     L'État est dépecé pour 3 générations de contribuables, au profit de gens… dont on ne parle jamais.

 

     Aujourd'hui on nous parle de Crise. Mais il n'y a pas de crise pour tout le monde. C'est un choix délibéré de civilisation, où, comme avant dans le seul Tiers Monde, quelques très riches et la multitude misérable sont censé effacer toute velléité d'une classe moyenne qui tient mal son rang et sa place (domestique et subalterne).

     Jamais les produits de luxe et les hôtels 7 étoiles ne se sont aussi bien vendus.

 

     La « crise » serait censée tout expliquer et tout excuser. Il est vrai que nos dirigeants apparents et occultes sont allés un peu vite et un peu loin en besogne. Mais cette Crise leur profitera de toutes manière, car le capitalisme se nourrit aujourd'hui de la crise, de la guerre et du désastre.

 

     Naomi Klein explique merveilleusement ce phénomène dans son livre « La stratégie du choc ».

 

     Les extraits suivants sur le dépeçage de l'Irak par les américains ne donnent malheureusement qu'une vague idée d'un ouvrage dense et extrêmement clair.

 

     Même si un jour leurs troupes partent (en apparence) du pays,  le pétrole et l'économie irakiennes appartiennent définitivement à Halliburton, Bechtel, Parsons, KPMG, RTI, Blackwater et les autres sociétés américaines.

 

     « La stratégie du choc » montre une certaine logique dans les évènements de notre monde actuel.

 

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La guerre d'Irak – la torture de masse

 

 

     (…) Entre le 20 Mars et le 2 Mai 2003, les semaines de combats dit « majeurs », l'armée américaine laissa tomber sur l'Irak plus de 30 000 bombes et plus de 20 000 missiles de croisière à guidage de précision, soit 67% de la production totale de tels engins depuis son invention.

     (…) On présente parfois la doctrine « le choc et l'effroi » comme une simple stratégie visant à affirmer une puissance de feu dominante, mais, aux yeux de ses auteurs, c'est bien davantage : il s'agit, affirment-ils, d'un programme psychologique raffiné prenant pour cible « la capacité de résistance de la population ».

     (…) Les tortionnaires savent que l'une des plus puissantes armes de leur arsenal est l'imagination du prisonnier – souvent, le simple fait de faire voir des instruments terrifiants est plus efficace que leur utilisation.

     (…) Séquestrés chez eux, les habitants de la ville (Bagdad) ne se parlaient plus, ne s'entendaient plus, ne voyaient plus à l'extérieur. Tel le prisonnier à destination d'un site noir de la CIA, la ville toute entière était enchaînée et revêtue d'une cagoule. Viendrait ensuite le moment de la dépouiller. (…) Mais de nombreux Irakiens étaient et sont encore persuadés que la lobotomie était volontaire – qu'elle s'inscrivait dans la stratégie de Washington : supprimer la nation forte et profondément enracinée qui occupait le territoire pour la remplacer par le modèle américain.

 

 


 

     (…) La bibliothèque nationale, où était conservés tous les livres et toutes les thèses de doctorat jamais publiés en Irak, fut réduite en cendres. (…). A propos du musée, un marchand de la ville affirma : « C'était l'âme de l'Irak. Si le musée ne récupère pas les objets pillés, j'aurai l'impression qu'on m'a dérobé des morceaux de mon âme. Mc Guire Gibson, archéologue de l'université de Chicago, expliqua que c'était « comme une lobotomie. On a effacé la mémoire profonde d'une culture, d'une culture millénaire ».

     (…) L'aéroport international de Bagdad fut saccagé par des militaires américains, qui, après avoir vandalisé les meubles, s'attaquèrent aux avions commerciaux parqués sur la piste. (…) Résultat ?Des dommages évalués à 100 millions de dollars pour la compagnie aérienne nationale de l'Irak – qui fut d'ailleurs l'un des premiers actifs vendus aux enchères dans le cadre d'une privatisation partielle active et controversée.

 

     (…) A titre de principal administrateur de la thérapie du choc en Irak, McPherson avait pour mandat de réduire l'État et de privatiser ses actifs. Les pillages ne firent que leur permettre de prendre de l'avance. « S'emparer d'une voiture ou d'un camion ayant appartenu à l'État est une forme de privatisation naturelle, et je n'y voyais pas d'inconvénient », précisa-t-il. Ex-fonctionnaire de l'administration Reagan, McPherson, ardent défenseur de la doctrine économique de l'École de Chicago, qualifia le pillage de « contraction » du secteur public.

     Témoin des pillages à la télévision, son collègue John Agresto vit lui aussi le bon coté des choses. A ses yeux, son travail – une « aventure unique » - consistait à rebâtir le système d'enseignement supérieur de l'Irak à partir de zéro.(…) (Mais) l'Irak possédait, avant d'être étouffé par les sanctions, le meilleur système d'éducation de la région et s'enorgueillissait du taux d'alphabétisation le plus élevé du monde arabe – en 1985, 89% des Irakiens savaient lire et écrire. Dans l'État du Nouveau-Mexique, d'où vient Agresto, on trouve 46% d'analphabètes fonctionnels, et 20% des gens sont incapables de « calculer le montant total d'un achat ».

 

     (…) A l'arrivée à Bagdad des purs et durs des think tanks, les rôles essentiels à la reconstruction avaient été confiés à Halliburton et à KPMG. Le rôle de ces gens, en tant que fonctionnaires, consistait simplement à administrer la petite caisse, c'est-à-dire dans le contexte de l'Irak, à remettre aux entrepreneurs des briques de billets de 100$ emballées dans du plastique. On a là un aperçu saisissant du rôle réservé au gouvernement dans le cadre d'un État corporatiste : servir de courroie de transmission des fonds publics vers le secteur privé. (…) Halliburton, Bechtel, Parsons, KPMG, RTI, Blackwater et les autres sociétés américaines présentes en Irak bénéficiaient d'une sorte de racket de protection en vertu duquel le gouvernement des États-Unis, après leur avoir ouvert un marché au moyen d'une guerre, empêchaient leurs concurrents d'entrer dans la danse, puis les payait pour leur travail et allait jusqu'à leur garantir un profit – le tout aux frais des contribuables. Pendant ce temps, les Irakiens voyaient s'envoler sous leurs yeux l'argent destiné leur venir en aide, tandis que leur pays se désagrégeait.

     (…) Pendant l'occupation, la corruption fut le résultat non pas d'une mauvaise gestion, mais bien d'une décision stratégique : pour être le nouveau territoire du capitalisme façon Far West, l'Irak devait être affranchi de toutes les lois. 


 

 

     (…) Au cours des 42 premiers mois de l'occupation, on estime à 61 500 le nombre d'Irakiens capturés et emprisonnés par les forces américaines, en général selon des méthodes destinées à « optimiser le choc de la capture ». Au printemps 2007, quelque 19000 d'entre eux demeuraient derrière les barreaux. A l'intérieur des prisons, d'autres chocs suivaient ;: des seaux d'eau glacée, des bergers allemands qui montraient les dents en grognant d'un air féroce, des coups de pieds, des coups de poings et, parfois, des choc électriques administrés à l'aide de fils dénudés.     

     (…) Au Salvador, les escadrons de la mort avaient la réputation d'utiliser les assassinats non seulement pour se débarrasser des opposants politiques, mais aussi pour terroriser le reste de la population. Les corps mutilés qui apparaissaient au bord des routes indiquaient aux gens que, en cas d'écart de conduite, ils risquaient de connaître le même sort. (…)Dès 2005, de tels messages étaient monnaie courante le long des routes de l'Irak : des Irakiens, vus pour la dernière fois aux mains de commandos habituellement liés au ministère de l'intérieur, étaient retrouvés avec un trou de projectile dans la tête, les mains attachées derrière le dos, ou le crâne troué à la perceuse électrique.

 

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     (…) La loi qui finit par être adoptée par le conseil des ministres de l'Irak (choisi par les États-Unis) en février 2007 allait encore plus loin qu'on ne l'avait craint : aucune limite n'était fixée aux profits que les sociétés étrangères pouvaient faire sortir d'Irak (…) Pis encore, les parlementaires élus du pays n'auraient pas leur mot à dire sur les contrats pétroliers à venir. On privilégia plutôt la création d'une nouvelle entité, le Federal Oil and Gas Council (…). Cet organe composé de membres non élus, conseillés par des étrangers non identifiés, assumerait en dernière analyse la responsabilité de toutes les décisions touchant le pétrole, y compris les contrats que l'Irak signerait. Aux termes de la loi, en effet, les réserves pétrolières publiques de l'Irak, principale source de revenu du pays, seraient soustraites à règle démocratique et administrées par une dictature pétrolière puissante et prospère qui cohabiterait avec le gouvernement fracturé et inefficace de l'Irak.

 

     Si la reconstruction de l'Irak a indiscutablement été un échec du point de vue des Irakiens et des contribuables américains, elle a été tout le contraire pour le complexe du capitalisme du désastre. (…) Pour les sociétés futées et prévoyantes comme Halliburton et le Carlyle Group, les destructeurs et les reconstructeurs appartiennent tout simplement à des divisions différentes des mêmes entreprises. Par exemple, dans le cas de Lockeed Martin – dans le cadre de conflits futurs, la société sera en mesure de profiter non seulement des bombes et des avions de chasse qu'elle fabrique, mais aussi de la reconstruction des infrastructures qu'elle a détruites et même des soins prodigués aux personnes  blessées par ses propres armements.     

 

     (…) Désormais, un nouveau territoire peut s'ouvrir n'importe où, aux premiers signes d'un désastre.

 

 


 

Sur l'argent féroce

 

     Le livre de Naomi Klein explique ce qui s'observe dans ce qu'on appelle la mondialisation : le monde politique (les lois, le gouvernement, l'action citoyenne, l'action sociale) et le monde des entreprises commencent à ne plus faire qu'un.   
     C'est un « capitalisme fondamentaliste » qui entend tout réduire en termes de profits, c'est-à-dire le monde uniquement vu du point de vue de l'entreprise (ou de l'actionnaire). De ce point de vue, l'État (éventuellement un État mondial) doit devenir un État corporatiste uniquement dirigé pour et par quelques actionnaires.

 

     Le capitalisme fondamentaliste d'aujourd'hui, inextricablement féroce et avide, n'a pas peur de la crise, de la guerre et du désastre. Il s'en nourrit très bien. C'est même pour lui un argumentaire supplémentaire pour broyer toute « capacité de résistance de la population ».

    



                                              Odal GOLD

 

                                                                          www.odalgold.com

 

 







28/02/2009
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